On ne se lasse plus de ces donneurs de leçons. Dans un papier, Frédéric Martel - qui je reconnais, m'était alors inconnu - expose sa thèse selon laquelle les français devraient se mettre au plus vite à l'anglais. L'anglais moderne, le français has been. Telle semblerait être la thèse de ce sinistre personnage dont le torchon a été publié par Le Point dans le "rayon" Culture (!)
Je n'ai jamais commenté les articles des autres blogueurs ou journalistes. Je n'en ai pas la prétention, et ce n'est pas l'objectif premier de ce blog. Toutefois, cet article de Martel foisonne de lieux communs, de contradictions, de paradoxes, mais surtout symbolise la pensée unique mondialiste qui souhaiterait adapter la vieille France à la mondialisation néolibérale anglo-saxone. Le marché est actuellement régie par les règles néolibérales tout droit venues des États-Unis. Ainsi les français devraient t-ils s'adapter à la langue anglaise, langue du marché, langue moderne.
Pour ceux qui n'auraient pas lu ce chef d-œuvre de leurs propres yeux je le joins ici. Pour les autres, je vais reprendre une liste non exhaustive de ses meilleurs passages, tout en les commentant plus bas.
Sans avoir peur du ridicule, Jean-Pierre Raffarin veut aussi limiter l'expression en anglais des patrons francophones du FMI, de l'OMC et de la BCE."
Des conneries, Raffarin en fait c'est indéniable. Toutefois, émettre l'idée que le français devrait être exclu des grandes institutions internationales est un non-sens. Et Raffarin l'a compris. Ainsi, lorsque Jean Claude Trichet arriva à la tête de la BCE grâce (ou à cause) des pressions provenant de Chirac et du Quai d'Orsay, il déclara "I'm not a French man" (qui lui valu d'ailleurs très justement le prix de la carpète Anglaise). C'est à cause de remarques comme ça que le Français se replie partout dans le monde. Que des grandes institutions soit menées par des Français qui nient presque leur propre langue, c'est quand même très fâcheux. Il apparait clair que les expressions anglaises en tout genre sont en train de tuer le français à petit feu. Ce qu'il y a d'étrange, c'est sa capacité à juger une langue. En quoi par exemple, dire hello serait t-il plus moderne que de dire bonjour? Si la langue française ne connaît pas le mot Smartphone, pourquoi essayer de l'imposer ?
"Si les Français veulent exister dans le monde d'aujourd'hui, ils doivent parler anglais. En Europe, ils ont perdu la bataille de leur langue car il est acquis que l'anglais est devenu, de fait, la langue commune de l'Union européenne (47 % des citoyens de l'Union le parlent). Aujourd'hui, moins de 25 % des documents de l'UE sont rédigés en français, quand il y en avait 50 % il y a vingt ans. Sur le terrain, la réalité est plus fragile encore : le français est de moins en moins parlé en Europe et la seule culture populaire commune aux jeunes Européens, c'est désormais la culture américaine"
Ce passage est extrêmement nauséabond. Car non, justement, si les Français veulent exister, ils doivent conserver leur culture. Le grand Fernand Braudel note quelque part "La langue française est exceptionnellement importante. La France, c’est la langue française." En d'autres termes, selon Braudel, l'identité nationale française passe avant tout par sa langue. Si l'on abandonne cet héritage pour sombrer dans ce modernisme puant, nous sombrerons indiscutablement dans la grande masse mondiale anglo-saxone. Autrement dit, nous ne deviendrons plus rien. Si ce n'est un petit pays d'environ 70 millions d'habitants largement aligné sur le modèle américain.
Deuxième argument, Martel nous explique que le français est mort dans les institutions européennes. Le lecteur habitué de ce blog le sait déjà. Mais il sait aussi que si il s'éteint, c'est à cause du renoncement de ses élites à imposer une Europe à consonance française. Nous ne devons jamais oublier que l'Europe reste et restera toujours une construction franco-allemande basée sur la coordination entre De Gaulle et Adenauer pour lutter contre justement, cette même menace anglo-saxonne. Cependant, l'entrée de l'Angleterre dans l'UE, contre la volonté de De Gaulle dans le marché commun, et de surcroît sans aucune concession du côté Anglais marquera les débuts d'une Europe toujours plus libérale, mondialiste, et soi-disant moderne. Toutefois, les français n'ont jamais été emballés par ce mode de société: ainsi ont t-ils toujours été défiants vis-à-vis de ce modèle, fondamentalement aux antipodes de leur culture. C'est donc devant la volonté des élites mondialisées - dont Martel semble manifestement faire partie - que nos dirigeants se couchent à Bruxelles. Martel nous dit bien qu'à peine 25% des documents sont rédigés en anglais. On connaît la suite dramatique, les élites toujours de plus en plus anti-nationales pro "gouvernement mondial" lâcheront de plus en plus du terrain et laisseront les anglais infiltrer toujours plus notre culture. Pour enfin, arriver jusqu'à la mort à petit feu de la langue française dans un espace - l'Europe - dont la France est pourtant la fondatrice (!)
En outre, inutile de se glorifier de notre jeunesse de plus américanisée. Certes, les jeunes portent des Converses, mangent Mc Do (...) mais restent toujours aussi nuls en anglais. Apparemment, et n'en déplaisent aux élites, les français ne seront jamais bons en anglais. Cela dit, ce ne serait que rendre la monnaie de la pièce tant on sait que les anglais parlent à peine français. Et indubitablement, le français est bien plus complexe, bien plus compliqué - parce que bien plus riche - à apprendre que l'anglais.
Frédéric Martel, digne représentant des élites mondialisées.
"(...) Nos exportations de livres diminuent : à part les marchés francophones, en Belgique, en Suisse et au Québec, qui constituent à eux trois presque 60 % de nos ventes de livres, nous déclinons presque partout dans le monde"
Indiscutablement, nos exportations de livres baissent dangereusement. Mais la faute à qui ? On ne peut que se gausser devant la nullité des auteurs actuels qui envahissent nos bibliothèques: de Marc Lévy à Guillaume Musso en passant par Anna Gavalda. Ainsi, force est de constater que notre "tissu" d'auteurs français se révèle très médiocre, et que par conséquent, ils s'exportent moins. Toutefois, je ne vois pas quel auteur d'origine anglo-saxonne peut se vanter d'être un cran supérieur... Tout en sachant que les anglais n'ont jamais eu un écrivain capable de rivaliser avec les plus grands auteurs français dont l'apport historique et culturel a été immense. Bien sûr, les anglais ont eu de grands écrivains: Hobbes, Locke, Wilde. Mais que pèse ce petit nombre de grands auteurs face à ces si nombreux génies que la France a porté: Hugo, Chateaubriand, Balzac, Zola, Voltaire, Rousseau. Et lorsque Martel s'en prend au français, on ne peut que se sentir ecoeuré tant notre patrimoine littéraire est l'un des plus riche au monde. Et ce sont ces auteurs là qui ont contribué à la beauté de la langue française, langue précise, langue géniale.
"La force de l'anglais vient aussi des nouvelles technologies, Google, Yahoo!, l'iPhone et Facebook ayant été inventés par les Américains, pas par nous"
Il faudrait préciser à Martel que personne ne nie la supériorité des américains dans le domaine de l'innovation. Personne. Depuis la chute de Londres, ce sont les États-Unis qui sont désormais le cœur du capitalisme mondial plus précisément Los Angeles et sa Sillicon Valley. Ils conservent (encore) leur capacité à attirer les cerveaux du monde entier. Toutefois, je dis cela en toute logique économique et de façon totalement objective. Or, on voit bien ici la capacité concrète des élites mondialisées à sacraliser les États-Unis quoiqu'ils fassent et de manière très peu objective. Autrement dit, Martel ne manque pas de nous rappeler qui est le dominant, qui est le dominé. Pour le dire de manière plus brusque, ils inventent tout, nous français n'inventons rien. Mais ce n'est pas si simple: certes les États-Unis innovent, mais depuis Reagan, - et Todd le raconte très bien - ils vivent au crochet du monde. Le monde produit pour eux, travaille pour eux. Symbole d'une puissance qui, peut-être achète des Iphone à tout va, mais qui est sur un déclin inéluctable. Ce faisant, nous n'avons rien à envier à une société qui se tue à petit feu, en devenant une menace pour le monde entier, comme le rappelle très justement Emmanuel Todd. Néanmoins, nous savons que le modèle anglo-saxon a été mis à mal par la crise. Alors à quoi bon apprendre une langue qui va bientôt s'éteindre elle aussi, du fait de l'émergence de la puissance Chinoise. Apprendre l'anglais alors que le modèle anglo-saxon ne sera certainement plus d'ici peu, à quoi bon ? C'est pourtant un paradoxe bien réel, mais qui n'a pas l'air de troubler Martel plus que ça.
"Quant à Nicolas Sarkozy, on a honte que, dans les sommets internationaux, il soit le seul à avoir besoin d'une oreillette".
En vérité, c'est tout le contraire ! On devrait plutôt se féliciter du fait que notre président ouvertement américanophile ne soit pas de surcroît parfaitement bilingue. Les français ont besoin au moins d'un président qui représente la Nation et donc la langue. En tout état de cause, un chef d'État français s'exprimant en anglais serait un grave contresens historique, et une défaite sans précédent. On retiendra aussi du Général de Gaulle sa méfiance vis-à-vis de l'anglais. Ainsi prononçait-t-il "bébécé" au lieu de BBC. Question de fierté sans doute. Mais aussi question de respect envers son Pays, marquant par la même, la volonté française de ne pas sombrer dans l'uniformisation engendrée par la mondialisation.
Provocant, arrogant. C'est en ces termes que nous pouvons qualifier toute cette clique d'élite mondialisée. La France est une grande nation, un grand peuple. Elle n'a nullement besoin de recevoir des directives venant de technocrates apatrides non-élus, elle n'a, a fortiori aucunement besoin non plus de leçons venant d'élites mondialisées, dont la seule mission est de faire croire que la France n'est plus rien, pour mieux lui faire accepter l'uniformisation et la standardisation. Notons que l'Union européenne n'est qu'une marche de ce que les élites veulent: un monde sans Nation et avec le marché comme norme sociale et économique.
Quant à la langue française, elle est presque à elle seule le symbole de notre immense culture, tant sur le plan historique que littéraire. Elle est notre bien commun à tous, n'en déplaisent à ces donneurs de leçons.