jeudi 11 août 2011

Laissez la Grèce tranquille !

Alors que la Grèce s'enfonce dans la récession économique et la régression sociale, les critiques s'abattent sur le pays. Qu'elles émanent de la donneuse de leçons de bonne conduite en chef - l'Allemagne - ou de la tyrannique Commission de Bruxelles, celles-ci me m'apparaissent comme étant extrêmement cruelles pour le peuple grec. Cependant, au lieu  de s'attacher au diagnostic largement rependu qui consiste à expliquer doctement à qui voudra l'entendre que « la Grèce a triché, elle doit maintenant le payer », il convient d'examiner au préalable pourquoi la Grèce est dans un tel état d'une part, et de se demander, dans un deuxième temps,  si l'action de l'Union européenne lui est vraiment bénéfique d'autre part.

La « solidarité européenne » est, aux yeux des européistes, une réalité symbolisée par les « plans d'aides » successifs que les États ont mis en place pour « aider » la Grèce. La canaille souverainiste n'a qu'à bien se tenir ; et admirer la manière avec laquelle la magnifique Union sauve le mauvais élève. A coups de milliards. Tant et si bien d'ailleurs que la France en faillite décrite par M. Fillon n'hésite pas à sortir le chéquier à hauteur de 16 milliards pour rembourser en fait les créances des banques sur la Grèce. Ainsi les plans qui se succèdent n'aident-ils pas la Grèce ; ils aident les banques. On sait d'ailleurs que les banques françaises sont très largement engagées... Des sommes colossales et totalement délirantes ont été engagé  par l'UMP et le PS... décidément hors des réalités économiques. Ces réalités, quelles sont-elles ? D'une part, jamais un pays en grave crise n'a pu s'en sortir sans dévaluation au préalable de sa monnaie. Nous avons l'exemple de la politique de Laval pendant la grande crise qui conjuguait politique de rigueur et politique du Franc fort.  Grave échec. D'autre part, on sait que les monnaies pluri-nationales sont vouées à l'échec. Deux constats qui auraient pu éviter les erreurs de politique économique et monétaire de ces dernières années.

Aujourd’hui, les eurobéats ne défendent plus l'euro ; ils font peur. Et quand ils le défendent, ils le font sans argumenter mais en affirmant : sans l'euro ce serait pire, l'euro nous protège [...]. Point à la ligne. M. Barroso eut même, récemment, le culot de reprendre (implicitement) le célèbre There is no alternative en expliquant que la seule solution pour la Grèce, c'était celle que préconisait les « experts » de Bruxelles. Toutefois, comment peut-on accorder le moindre crédit à des gens qui nous ont expliqué que le modèle espagnol était à suivre, évoquant même parfois le modèle irlandais en termes de fiscalité ? Si la critique souverainiste de la crise repose aussi sur l'euro, les européistes nient en bloc toute responsabilité de la monnaie unique dans cette même crise. Pendant qu'ils tentent d'enfumer les peuples en leur expliquant que le taux de change n'a aucun impact sur la croissance, les américains amortissent la crise - pourtant dure - en voyant le marché européen continuer de s'ouvrir ; la Chine continue de jouir d'un marché offert via un Renmibi sous-évalué et des coûts salariaux misérables.




L'examen du cas grec est sans appel : l'économie grecque n'a aucun avantage comparatif. Ce n'est pas une économie  très dynamique, et le marché au noir y est fort développe. Cependant, la Grèce reste un État souverain et n'a pas conséquent aucun compte à rendre. Si les européistes estiment que la Grèce se comporte si mal que ça, qu'elle quitte la zone euro. Malheureusement, cela briserait (plus tôt que prévu) la monnaie unique. Ils ne veulent pas sauver la Grèce à qui ils témoignent un profond mépris, mais les banques comme nous l'avons dit et... l'euro. Regardons comment l'Allemagne parle des grecs : ils prennent trop de vacances. La réciproque n'est pas mieux, les grecs parlent du IVe Reich. Les commentateurs, MM. Minc et Quatremer ne sont pas en reste. Voilà l'état actuel de la « solidarité européenne ». Or, la vraie solidarité aurait consisté à laisser la Grèce quitter l'euro, tout en essayant d'amortir le défaut grec - au lieu de le repousser à coups de milliards comme aujourdh'ui. Non, car aux yeux des européiste, la solidarité ne peut s’exercer que dans le carcan de l'euro qui est d'ailleurs aujourdh'ui devenu le garant de la paix Europe selon certains ! J'ai tenté d'expliquer plus haut que les européistes, quand ils ne débattent plus à coups d'affirmations non-argumentées, choisissent la méthode de la peur. Ruine, retour au Moyen-Âge, faillite, tensions entre les peuples européens, seraient les conséquences inéluctables de la fin de l'euro. Encore une fois, l'histoire économique nous enseigne qu'une séparation monétaire n'est pas synonyme de guerre. Ainsi des exemples soviétique et  tchécoslovaque : une séparation monétaire n'est pas forcément synonyme de guerre et de tension.

En tout état de cause, parce qu’il est trop cher et absolument pas adapté à l'économie grecque, l'euro mine la compétitivité - déjà faible - à l'export de la Grèce ; bride toute reprise économique possible et rend impossible le remboursement de sa dette. C'est un cercle vicieux que nous avons là : la récession enclenchée par la Troïka accentue le chômage, nourrit les déficits et donc la dette. Pour l'aider, les autres États européens s'endettent toujours plus. Les leçons de morales et le dédain des européistes vis-à-vis du peuple grec sont clairement liés à la peur de voir leur joujou, l'euro, s'effondrer à cause des grecs - aidés dans leur triche par Goldman Sachs, dont l'ancien dirigeant n'est autre le futur gouverneur de la... BCE : Mario Draghi. En d'autres termes, toutes les mesures visant à faire s'affaisser la demande - le modèle allemand - se révèlent contre-productives. Dans le cas grec, justement, procéder à des mesures barbares comme la baisse des salaires dans la fonction publique tendent à abaisser la demande globale, donc la consommation et la production. Ces gens-là n'ont visiblement pas lu - ou compris ? - Keynes.  Notons toutefois que l'inflation est faible et que la monnaie reste chère par rapport au dollar et au yuan. Les fétichistes de la monnaie chère et de l'inflation faible peuvent donc dormir tranquilles avec une BCE toujours indépendante et dont le mandat exclut tout objectif d'emploi de croissance.