jeudi 11 août 2011

Laissez la Grèce tranquille !

Alors que la Grèce s'enfonce dans la récession économique et la régression sociale, les critiques s'abattent sur le pays. Qu'elles émanent de la donneuse de leçons de bonne conduite en chef - l'Allemagne - ou de la tyrannique Commission de Bruxelles, celles-ci me m'apparaissent comme étant extrêmement cruelles pour le peuple grec. Cependant, au lieu  de s'attacher au diagnostic largement rependu qui consiste à expliquer doctement à qui voudra l'entendre que « la Grèce a triché, elle doit maintenant le payer », il convient d'examiner au préalable pourquoi la Grèce est dans un tel état d'une part, et de se demander, dans un deuxième temps,  si l'action de l'Union européenne lui est vraiment bénéfique d'autre part.

La « solidarité européenne » est, aux yeux des européistes, une réalité symbolisée par les « plans d'aides » successifs que les États ont mis en place pour « aider » la Grèce. La canaille souverainiste n'a qu'à bien se tenir ; et admirer la manière avec laquelle la magnifique Union sauve le mauvais élève. A coups de milliards. Tant et si bien d'ailleurs que la France en faillite décrite par M. Fillon n'hésite pas à sortir le chéquier à hauteur de 16 milliards pour rembourser en fait les créances des banques sur la Grèce. Ainsi les plans qui se succèdent n'aident-ils pas la Grèce ; ils aident les banques. On sait d'ailleurs que les banques françaises sont très largement engagées... Des sommes colossales et totalement délirantes ont été engagé  par l'UMP et le PS... décidément hors des réalités économiques. Ces réalités, quelles sont-elles ? D'une part, jamais un pays en grave crise n'a pu s'en sortir sans dévaluation au préalable de sa monnaie. Nous avons l'exemple de la politique de Laval pendant la grande crise qui conjuguait politique de rigueur et politique du Franc fort.  Grave échec. D'autre part, on sait que les monnaies pluri-nationales sont vouées à l'échec. Deux constats qui auraient pu éviter les erreurs de politique économique et monétaire de ces dernières années.

Aujourd’hui, les eurobéats ne défendent plus l'euro ; ils font peur. Et quand ils le défendent, ils le font sans argumenter mais en affirmant : sans l'euro ce serait pire, l'euro nous protège [...]. Point à la ligne. M. Barroso eut même, récemment, le culot de reprendre (implicitement) le célèbre There is no alternative en expliquant que la seule solution pour la Grèce, c'était celle que préconisait les « experts » de Bruxelles. Toutefois, comment peut-on accorder le moindre crédit à des gens qui nous ont expliqué que le modèle espagnol était à suivre, évoquant même parfois le modèle irlandais en termes de fiscalité ? Si la critique souverainiste de la crise repose aussi sur l'euro, les européistes nient en bloc toute responsabilité de la monnaie unique dans cette même crise. Pendant qu'ils tentent d'enfumer les peuples en leur expliquant que le taux de change n'a aucun impact sur la croissance, les américains amortissent la crise - pourtant dure - en voyant le marché européen continuer de s'ouvrir ; la Chine continue de jouir d'un marché offert via un Renmibi sous-évalué et des coûts salariaux misérables.




L'examen du cas grec est sans appel : l'économie grecque n'a aucun avantage comparatif. Ce n'est pas une économie  très dynamique, et le marché au noir y est fort développe. Cependant, la Grèce reste un État souverain et n'a pas conséquent aucun compte à rendre. Si les européistes estiment que la Grèce se comporte si mal que ça, qu'elle quitte la zone euro. Malheureusement, cela briserait (plus tôt que prévu) la monnaie unique. Ils ne veulent pas sauver la Grèce à qui ils témoignent un profond mépris, mais les banques comme nous l'avons dit et... l'euro. Regardons comment l'Allemagne parle des grecs : ils prennent trop de vacances. La réciproque n'est pas mieux, les grecs parlent du IVe Reich. Les commentateurs, MM. Minc et Quatremer ne sont pas en reste. Voilà l'état actuel de la « solidarité européenne ». Or, la vraie solidarité aurait consisté à laisser la Grèce quitter l'euro, tout en essayant d'amortir le défaut grec - au lieu de le repousser à coups de milliards comme aujourdh'ui. Non, car aux yeux des européiste, la solidarité ne peut s’exercer que dans le carcan de l'euro qui est d'ailleurs aujourdh'ui devenu le garant de la paix Europe selon certains ! J'ai tenté d'expliquer plus haut que les européistes, quand ils ne débattent plus à coups d'affirmations non-argumentées, choisissent la méthode de la peur. Ruine, retour au Moyen-Âge, faillite, tensions entre les peuples européens, seraient les conséquences inéluctables de la fin de l'euro. Encore une fois, l'histoire économique nous enseigne qu'une séparation monétaire n'est pas synonyme de guerre. Ainsi des exemples soviétique et  tchécoslovaque : une séparation monétaire n'est pas forcément synonyme de guerre et de tension.

En tout état de cause, parce qu’il est trop cher et absolument pas adapté à l'économie grecque, l'euro mine la compétitivité - déjà faible - à l'export de la Grèce ; bride toute reprise économique possible et rend impossible le remboursement de sa dette. C'est un cercle vicieux que nous avons là : la récession enclenchée par la Troïka accentue le chômage, nourrit les déficits et donc la dette. Pour l'aider, les autres États européens s'endettent toujours plus. Les leçons de morales et le dédain des européistes vis-à-vis du peuple grec sont clairement liés à la peur de voir leur joujou, l'euro, s'effondrer à cause des grecs - aidés dans leur triche par Goldman Sachs, dont l'ancien dirigeant n'est autre le futur gouverneur de la... BCE : Mario Draghi. En d'autres termes, toutes les mesures visant à faire s'affaisser la demande - le modèle allemand - se révèlent contre-productives. Dans le cas grec, justement, procéder à des mesures barbares comme la baisse des salaires dans la fonction publique tendent à abaisser la demande globale, donc la consommation et la production. Ces gens-là n'ont visiblement pas lu - ou compris ? - Keynes.  Notons toutefois que l'inflation est faible et que la monnaie reste chère par rapport au dollar et au yuan. Les fétichistes de la monnaie chère et de l'inflation faible peuvent donc dormir tranquilles avec une BCE toujours indépendante et dont le mandat exclut tout objectif d'emploi de croissance.

dimanche 17 avril 2011

Que penser du Revenu citoyen ?

C'est donc le nouveau reliquat de Dominique De Villepin. Sensé transformer l'ordre social, il assure à tous les citoyens un revenu minimum de 850€, et dégressif jusqu'à 1500€. Cette idée, du point de vue de la théorie économique peut paraître géniale car elle créée un consensus inespéré - sur certains points - entre les libéraux d'une part, et les socialistes de l'autre. Nous y reviendrons. Néanmoins, dans la réalité, il semble impossible de dire ce qui se passerait si il était instauré, tant les préjugés sont nombreux à ce sujet. Ainsi entendons-nous régulièrement que les gens s'arrêteront de travailler, par exemple. Dans la rédaction de ce billet, il m'a semblé judicieux de confronter des arguments issus de la théorie économique, mais aussi certains arguments du libéral Guy Sorman, et du très keynésien Bernard Maris. Enfin je rajouterai des arguments qui complèteront l'analyse.

Comme le souligne judicieusement le blogueur Yann, cette idée est jugée bénéfique par les plus libéraux. En effet, celle-ci ferait coup double. D'une part, elle permettrait l'arrêt de la fraude aux aides sociales : le paradis libéral ! D'autre part, elle pourrait conduire à la fin de mesures comme le SMIC et simplifierait les attributions d'aides sociales. Autrement dit, fin du clientélisme selon eux. Expliquons nous. Dans un monde où tout le monde toucherait une certaine somme, ici 850€ ; en l'absence d'autres allocations, il serait inutile d'essayer de travailler moins pour gagner moins et de fait, toucher les aides sociales. De là la célèbre scène mimée par Reagan où il met en action un salarié qui supplie son patron de lui baisser son salaire afin de bénéficier des aides sociales. Certes, tous le monde n'en profite pas alors que dans l'optique libérale tout le monde - même les riches - devrait en profiter. Cependant étant donné sa dégressivité, pas grand monde serait tenté de passer sous la barre des 1500€ pour gagner quelques euro de plus. Et puis, étant donné la dignité qu'il confère, même en période de chômage cela pourrait conduire à la suppression du SMIC souhaitée par les libéraux. En outre, on peut imaginer que si De Villepin était élu président de la République, celui-ci ferait appliquer cette nouvelle loi tout en supprimant les aides pléthoriques que l'État offre aujourdh'ui. On peut penser aux APL, par exemple, qui sont des subventions directes à la rente, aux aides pour les handicapés, le minimum vieillesse, et bien sûr le RSA. Ce faisant, si le coût du Revenu est estimé à 30 milliards - ce qui peut susciter l'effroi de certains à la vue de notre dette publique - la rigueur intellectuelle des détracteurs du revenu citoyen serait de dire que son instauration ouvrirait la voie à la suppression d'autres aides qui coûtent autant à l'État. Il ouvrirait également la voie à une simplification des procédures d'aides sociales. Toutefois, il me paraît évident que malgré son hypothétique mise en place, les allocations familiales ne devront pas être, elles, supprimées. Celles-ci servent à maintenant la démographie dynamique, et les supprimer serait une « dinguerie » quand on voit les chiffres de la démographie espagnole, allemande, etc. Du coup, pour les libéraux, il faudrait que cette mesure soit accompagnée de la fin de ces aides, du SMIC pour se rapprocher encore plus près de leurs idées.
En outre, il est profondément liberalo-libertarien parce que fondé sur la confiance en l'homme, ce qui constitue tout de même le fondement de la théorie libérale. Le libéral fait confiance en l'homme. De fait, si le citoyen estime qu'avec 850€ il devra chômer, il chômera ; guidé par ses propres intérêts, l'État n'a pas à intervenir pour lui dire ce qui est bon pour lui. Sauf peut-être une hypothétique contrainte moral.
Ainsi donc, parce qu'il engendrerait une simplification des aides sociales, et parce qu'il se baserait sur le comportement rationnel de l'homme guidé par ses seuls intérêts, le revenu citoyen est souhaité par les plus libéraux. Qu'en est-il pour les socialistes ?

A l'heure où le chômage explose, et où les patrons ont tous les droits vis-à-vis des salariés, ce serait une aubaine pour les salariés. En fait, les gens ne seront plus obligés de se présenter sur le marché du travail : énorme révolution. L'homme n'est plus obligé d'aller sur le marché du travail, ce qui rejoint l'argument libéral selon lequel l'individu sera libre de chômer. Si l'homme n'est plus obligé de se présenter sur le marché du travail, de fait le rapport de force largement en faveur du patronat se retournera en faveur des salariés puisque ceux-ci ne seront plus contraints de travailler. Ceci étant acquis, on peut penser que cela pourrait ouvrir la voie à une augmentation de salaires puisque le chantage du licenciement cesserait de faire pression à la baisse sur les salaires. La catégorie des chômeurs disparaîtrait de fait.
De surcroît, comment ne pas souhaiter ce revenu quand on sait que les agriculteurs sont actuellement dans une situation délétère, que le salaire réel stagne voire baisse, et que cela pourrait soulager les apprentis qui travaillent dur pour un salaire peu élevé. En d'autres termes, cela pourrait être bénéfique à toutes ces classes « laborieuses » qui ont souvent du mal à joindre les deux bouts.

Dès lors, quels peuvent être les freins à son instauration ? Le recours à la théorie économique peut nous être utile. Elle postule que les agents arbitrent entre travail et loisir. Par exemple, si je vous donne 1500€ par mois à ne rien faire, il est clair que vous ne vous embêterez pas à aller travailler. Or, si on vous coupe les vivres et qu'on vous donne 200€ par mois pour survivre, là, vous serez obligé d'aller chercher un emploi. De ce point de vue, le Revenu citoyen peut constituer ce qu'on appelle une « trappe à inactivité. » De même qu'il peut créer un dualisme entre ceux qui décident de travailler, et ceux qui ne veulent pas. Certes, les SMICards et les petits revenus pourront en profiter largement, mais pour ceux qui sont au dessus du revenu médian, c'est-à-dire 1500€, il n'y aura rien. Or, la classe moyenne se situe juste un peu plus au dessus de ces 1500€, ce sera elle donc, qui devra une nouvelle fois fournir un effort financier supplémentaire sans en profiter.

En tout état de cause, le Revenu citoyen est sujet à de nombreux débats : délivrant l'homme de la contrainte du travail pour certains, favorisant l'assistanat pour d'autres. Facteur de dépenses sociales mirobolantes pour certains, possibilité de réduction pour d'autres. Démagogie pour certains, changement de société pour d'autres. C'est d'ailleurs sur ce sujet phare du programme présenté par Villepin que certains sont entrés en conflit avec lui comme Daniel Garrigue, pourtant proche de lui et estimant  que « cette mesure allait dans le sens de l'assistance, nous émettons des inquiétudes sur son coût : 30 milliards d'euros. » Bref, le Revenu citoyen n'a pas fini de faire parler de lui.




M. Dominique De Villepin, dans un discours proposant notamment l'instauration de ce Revenu citoyen.

vendredi 1 avril 2011

Fiction politique

En ce chaud matin d'avril, les secousses politiques n'en finissent plus de surprendre les observateurs, les politologues, les économistes et même les électeurs. En effet, de nombreux hommes politiques ont subitement changé leurs idéologies et ont enfin pris compte les réalités qui s'imposent au peuple. L'auteur présente ici un florilège de quelques personnalités.

Étrangement, Dominique Strauss-Kahn a enfin pris conscience qu'il n'y aura jamais de gouvernement mondial, souhait qu'il émet depuis des années déjà. En effet, il a compris - non sans mal - que les Nations étaient en fait le cadre le mieux approprié pour assurer la démocratie et la prospérité. Il a compris qu'il était utopique de rassembler des nations aux cultures différentes, aux religions différentes, aux histoires différentes, aux structures économiques différentes - ici, le cas de l'euro est criant de vérité - (...) dans un hypothétique gouvernement mondial sensé standardiser les Nations. En outre, il prendra en contre-pied Michel Rocard qui estime que « les souverainetés nationales entrent dans la période de nuisance », en expliquant justement que les Nations sont encore les seuls remparts face à la jungle libre-échangiste qui détricote les acquis sociaux, qui est responsable d'un chômage de masse dans les pays (ex?)industrialisés et peut conduire à de graves troubles sociaux.




M. Strauss-Kahn - mais on peut également citer Jacques Attali - renoncera-t-il un jour à son impossible gouvernement mondial ?


Jean-Claude Trichet a enfin compris que la France pâtissait d'un euro trop fort qui étouffait son économie. Il a écouté des économistes européistes comme Christian Saint-Étienne qui admettent que la France a effectivement « besoin d'un euro faible pour relancer son industrie morose ». Faisant fi des statuts de la BCE, il décide de monétiser massivement les dettes grecques et portugaises afin d'éloigner les spéculateurs d'une part, et de permettre à l'euro de baisser de l'autre. Ainsi, cela constituera une réelle bouffée d'oxygène au sein de la Zone euro qui  participera largement à la décrue du chômage de masse en France notamment.

Olivier Besancenot, pour sa part, a enfin compris que « la politique se faisait sur des réalités » pour reprendre les termes du Général de Gaulle, et non pas sur des bons sentiments tantôt humanistes, tantôt droit de l'hommistes. De fait, il a compris que l'immigration était un moyen pour les grands patrons de faire venir une main d'œuvre peu revendicative et plus docile afin de faire pression à la baisse sur les salaires locaux du fait de la concurrence que se livrent les travailleurs entre eux. Chacun peut voir les effets de la concurrence au sein de l'Union européenne même : le chantage à la délocalisation ouvre la voie à des salariés plus «compréhensifs » sur le plan des revendications salariales et du temps de travail. Le cas Siemens en Allemagne en fournit un merveilleux exemple.

François Hollande renonce à l'idée selon laquelle il serait normal, pour l'État, d'emprunter à la BCE pour financer les dépenses d'avenir. Il prendra parti contre l'article 123 qui interdit à la BCE de prêter directement aux États sans passer par la case banques privés qui n enrichissent qu'une petite poignée d'oligarques financiers sous couvert de rationalité économique.

Marine Le Pen a elle aussi compris quelque chose : surfer sur les passions populaires n'a jamais fait un programme politique. Ainsi, un parti ne peut pas se réclamer du libéralisme, voire du Libéral-conservatisme reaganien en période socialiste - héritage de Poujade et de sa révolte anti Fisc ; et d'autre part, 20 ans après, se réclamer du dirigisme par l'invocation systématique d'un « État fort ». Elle a compris, surtout, que dans une période de grave crise identitaire et économique, il fallait rassembler les français plutôt que de chercher des motifs pour les diviser.

Enfin, le gouvernement français actuel a compris, en écoutant Emmanuel Todd que «  les français étaient malheureux ». Ceci est une phrase vraie et reflétant bien la réalité : chômage de masse, exclusion en augmentation, et allocataires de minima sociaux toujours plus nombreux. On peut d'ailleurs faire un rapprochement avec le vote Front national. Prenant acte de la situation catastrophique du pays, il décide de prendre des mesures exceptionnelles : arrêt provisoire des régularisations de clandestins, redressement d'une école fondée sur le mérite personnel, ce qui passera par une politique de moyens et d'efficacité de sorte que l'investissement en R et D soit au moins doublée d'ici 2014. Prenant acte du manque de dynamisme des PME le gouvernement prend la décision de baisser les charges qui pèsent sur les vrais créateurs d'emplois. Enfin, il décide d'allouer plus de moyens à la police et à la justice afin de préserver la sécurité des français, qui reste le premier « bien public » du peuple.

Malheureusement, cette politique fiction ne durera que le temps, d'un premier avril.

vendredi 11 février 2011

L'Ecole est-elle de gauche ?

Ce débat mérite d'être posé. Traiter la problématique de l'École dans son ensemble prendrait des heures, tant les problèmes qui la touche sont nombreux. C'est pourquoi je ne toucherai ici qu'un domaine, qui fait l'objet de nombreux débats et qui agite de nombreuses passions. D'un côté, nous avons les libéraux, qui estiment que l'École en général, et la fonction publique en particulier, est infestée de gens de l'ultra-gauche. Dès lors, il est clair, selon eux, que la pensée unique gauchiste apparente au sein de l'Éducation nationale tend à baisser le niveau des élèves, au nom de l'égalité. De l'autre côté, les gens de gauche qui estiment, selon la théorie bourdieusienne que l'école est aujourd'hui un lieu qui favorise d'inégalité, puisqu'elle permet aux bourgeois de se reproduire socialement.

A première vue, l'École est aujourd'hui, clairement de gauche. Il suffit de se balader dans les couloirs des Universités pour apercevoir de nombreux journaux et tracts des forces syndicales telle Force ouvrière, et même des petits prospectus vantant les mérites de la HALDE. L'idéologie dominante des Universités est de gauche. Les fonctionnaires en général, et les professeurs en particulier constituent clairement la clientèle principale du Parti socialiste par exemple, qui a perdu l'électorat ouvrier/employé depuis bien longtemps. Si bien que lorsque le gouvernement tente de supprimer des postes de professeurs, le Parti socialiste crie au scandale, tout en sachant pertinemment que le nombre de professeurs à largement augmenté - les moyens avec - alors que le nombre d'élèves baissait. L'Éducation n'est pas qu'une simple affaire d'argent, il convient également de prendre en compte le facteur d'efficacité et de cadre : pourquoi les filières professionnelles sont si mal vues ? Le collège unique est t-il efficace ? Bref, il faut d'abord redéfinir le cadre dans lequel les jeunes élèves étudient, et non pas déverser des milliards dans un système qui, me paraît être à bout de souffle.

Toutefois, si l'idéologie - dominante - des professeurs est clairement de gauche, ce n'est pour autant que les les programmes le sont pour autant. C'est la critique fondamentale que l'on peut adresser aux libéraux qui pensent que la France enseigne l'économie de manière très "gauchiste". Dernièrement, Olivier Vial, président de l'UNI protestait contre cela, en disant qu'on donnait, entre autre, une mauvaise vision de l'entreprise dans le programme. Or c'est pourtant l'inverse que l'on peut constater. Car les programmes ne sont pas du tout élaborés sous le prisme gauchiste. Ainsi, en classe de 1ère ES, le tiers du programme est consacré à l'étude du marché, à l'enseignement de la théorie de la concurrence pure et parfaite. En terminale ES, une large partie de l'année est consacrée à la mondialisation et au commerce international, à la notion de PIB, ainsi qu'au volet économique de la construction européenne. De surcroît, l'entrée en faculté d'économie s'accompagne directement d'un enseignement de la micro-économie libérale : théorie du consommateur et du producteur, notion d'homo œconomicus et de l'homme rationnel. En d'autres termes, ce sont les fondements de l'économie libérale qui sont, d'emblée, enseignés dans le supérieur. En outre, la théorie keynésienne commençait à être de moins en moins évoquée avant la crise. D'autres - moins chanceux, comme Marx notamment, sont  bannis de l'enseignement supérieur (!). Bref, sans même être exhaustif, l'on comprend bien que l'enseignement au lycée, comme à l'Université n'est nullement  présentée sous le prisme gauchiste. Par ailleurs, il est absurde de dire que le système scolaire formate les enfants de sorte qu'ils deviennent des "amoureux" de l'État. Les enfants n'écoutent pas systématiquement ce que les professeurs disent, ceux-ci votent bien souvent en fonction du vote familial. La catégorie socio-professionnelle des parents influe bien plus sur la pensée politique - quand il y en a une, bien entendu - de l'enfant que la pensée de soi-disant idéologues gauchistes. Ce faisant, les thèses de M. Vial témoignent d'une profonde mauvaise foi et largement teintées d'idéologie.  Or, il existe pourtant un réel reproche que l'on peut faire aux pédago bourdieusiens, sans pour autant sombrer dans le dogmatisme.




L'Ecole de la IIIème République.

En effet, il convient maintenant d'aborder la question de la baisse  du niveau. Celui-ci résulte de deux facteurs ; d'une part une obtention massive du baccalauréat (87%!), et d'autre part, l'absence de concours à l'entrée des Universités. Ces deux facteurs conjugués à la pression de syndicats comme l'UNEF tendent à baisser irréversiblement le niveau. D'abord parce que le baccalauréat n'a plus vraiment de valeur intrinsèque, mais aussi parce que tout le monde peut intégrer l'Université ; pour des résultats que l'on sait médiocres pour la plupart. Ceci occasionne surcharge du nombre d'élèves dans les groupes de TD, handicapant par la même les élèves "moyens", et gâchis d'argent pour l'État. Revenons sur un exemple flagrant qui convient d'être énoncé : dès lors qu'une Université tente, un tant soit peu, d'élever le niveau, en supprimant les rattrapages lors de la 1ère année par exemple, les UNEFiens crient au scandale. Comme si rétablir un minimum de méritocratie se faisait au détriment de l'égalité des chances. Mais malheureusement, la vraie inégalité des chances réside en ce que chacun souhaite faire de son temps. Il y a, en effet, la possibilité pour tous de réussir dans une Université publique et (quasi) gratuite dès lors que l'on souhaite apprendre et comprendre. Il y a ceux qui travaillent et qui consacrent du temps à leurs études, et d'autres qui ne veulent pas travailler. A cet égard, on doit comprendre que l'Université n'est pas un lieu ou tout doit être fait pour que l'on décerne des diplômes à tout le monde, cela doit rester un lieu ou l'on mérite ses diplômes. On ne peut pas éternellement continuer de brader des diplômes d'État pour rétablir une prétendue égalité des chances, car fondamentalement, on ne fait que faire fuir les plus intelligents vers les grandes écoles écoles, ou même des écoles de commerce. Ceci explique  - partiellement, il est vrai -  pourquoi la France possède bien moins de titulaires du Doctorat que l'Allemagne. Il serait peut-être temps de se rendre compte que c'est parce que l'Université n'attire plus.

Pendant que la gauche pédago et la droite libérale se déchirent, une grande gagnante semble se frayer un chemin dans l'enseignement. Ainsi assistons-nous, depuis plusieurs années, à l'arrivée de l'Union européenne dans les programmes scolaires et extra-scolaire. Option dite "européenne" au collège et poursuivie au lycée (classes dans lesquelles on distribue, entre autre, des posters retraçant la grandiose épopée européenne), enseignement massif de l'Europe sous toutes ses formes dans les Universités ainsi que dans les IEP. Le principe est parfaitement simple : faire voyager pendant une ou deux semaines ceux qui ont choisi ladite option dans le cadre du cours. De fait, n'importe quel jeune étudiant associera les joies de voyager au mythe de la grande et belle Europe. On ne dira cependant jamais qu'auparavant, il suffisait simplement de se munir d'un passeport et d'un visa pour y aller. Mais, ça ne s'arrête pas là ! Une Université comme celle de Rennes est directement subventionnée par la Commission de Bruxelles pour que celle-ci enseigne l'Europe. Comme cela se traduit t-il ? Par de l'Europe sous toutes ses formes : sociologie, droit, économie. Un bourrage de crâne méthodique, qui prend parfois la forme de propagande (posters distribués etc.) qui a désormais toute sa place dans l'enseignement scolaire sans que personne ne dise quoique ce soit. Repentance, enseignement massif de l'Europe peuvent être mis au crédit de la gauche pédago, qui associe à tort nation à guerre, et Europe à paix.

Ainsi donc, nous l'avons vu, si le fond idéologique de l'École est clairement de gauche, il n'en découle pas forcément des programmes de gauche. Le réel problème se situe dans la baisse du niveau, et pose la question fondamentale : voulons nous une École d'excellence pour demain, ou une École au rabais, qui décerne des diplômes à tout va ?