dimanche 4 juillet 2010

Du problème des retraites

Si on ne réforme rien, c'est le chaos. Si on ne fait rien, on va à la ruine. Si on ne fait rien avant 2050, c'est 100 milliards de déficit. Ces quasi slogans relayés avec ardeur par les médias ne sont pas sans rappeler leur propagande de 2005 avec le Traité de Lisbonne. Français si vous ne dîtes pas OUI, c'est le chaos !
Et pour cause, dans cette réforme, que je serais plus tenté de qualifier de réformette est très loin de résoudre les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Faisant pour l'instant fi de la pénibilité du travail, faisant aussi fi des régimes spéciaux de retraites le gouvernement s'est lancé dans une réforme incomplète. Toutefois, on peut mettre au crédit du gouvernement de n'avoir jamais évoqué le régime par capitalisation pourtant ouvertement  souhaité par des quotidiens comme Le Figaro.

En tout état de cause, le régime par répartition subit une crise de financement, mais aussi une crise politique du fait d'une individualisation de la société. Doit-on pour autant abandonner ce système, instauré il y' a plus d'un siècle et demi par Bismarck afin d'unifier l'Allemagne? Il favorise la solidarité entre les générations, et donc l'unification - voire la consolidation - d'une nation: l'alsacien cotisant pour le breton, le savoyard cotisant pour le normand. Enfin, il garantit un revenu pour tous les retraités.
Comparons maintenant au régime par capitalisation. Celui-ci mène clairement vers une marchandisation des retraites, lesquelles peuvent se retrouver quasi nulles dès lors que les bourses chutent. Dans un contexte de crise mondiale, ou les marchés boursiers se révèlent très volatiles, on ne peut pas placer toute son épargne au risque de tout perdre. Ainsi la crise asiatique de 1997 a t-elle ruiné des milliers d'épargnants américains...  En outre, quelle sera la réelle valeur des actions si 1 milliard de chinois et d'indiens seraient obligés de placer leur épargne en bourse ? Déjà bien peu représentatifs de la réalité économique, les marchés boursiers en seraient complètement déconnectés ! Ce faisant, le régime de retraite par capitalisation n'est absolument pas une réponse crédible à la crise du régime des retraites, mieux: elle est détestable.

Mais alors comment pouvons nous expliquer cette quasi faillite du système par répartition? Évidemment, on a toujours l'argument démographique: moins d'actifs pour plus d'inactifs. De telle sorte qu'en 2050, il n'y aura plus que 2 actifs pour financer une retraite. Y a t-il une autre explication ? Fort peu suspecte de bolchévisme, la Commission européenne nous dit que la part des salaires dans l’ensemble de l’économie française est passée de 66,5 % en 1982 à 57,2 % en 2006, soit une baisse de 9,3 points de PIB. Or, notre système, basé sur des cotisations sociales adossées au travail ne peut plus tenir du fait d'un partage de valeur ajoutée de plus en plus en défaveur du travail. Par ailleurs, nous pouvons en déduire 2 autres choses: d'une part, la retraite à 60 ans, était rendue possible par un taux de cotisation et une démographie favorable, et d'autre part, celle-ci relevait indiscutablement d'une mesure dite de "justice sociale" par Pierre Mauroy, Premier ministre de l'époque. Elle l'était à mon sens, uniquement dans la mesure ou elle concernait la génération touchée par la Seconde Guerre mondiale. Mais depuis lors, il est évident que l'âge légal de départ à la retraite doit être repoussé. De la même manière, les régimes spéciaux doivent clairement être abrogés. Par soucis d'égalité, le public doit avoir le même régime que le privé, surtout lorsque l'on sait le nombre d'avantage supplémentaire qu'ils ont: sécurité de l'emploi notamment. 

Aussi, Xavier Bertrand nous explique doctement qu'il ne faut pas taxer ou baisser les pensions des retraités pour la bonne et simple raison que "ce sont eux qui consomment". La consommation étant notre moteur actuellement, il convient de ne pas augmenter l'impôt. Or, c'est une erreur de diagnostic manifeste. Les "vieux" sont ceux qui par définition ont accumulé toute leur vie. Ceux là même qui sont parti à la retraite à 60 ans, qui ont connu la croissance incroyable des 30 Glorieuses. Les taxer à coup de CSG reviendrait à les faire payer eux aussi, ce serait une mesure juste. N'oublions pas les "vieux" ne consomment pas tout, ils se constituent souvent une épargne que les jeunes entrant dans la vie active n'ont souvent pas. En faisant participer les "vieux", nous pourrions rendre du pouvoir d'achat au ménages actifs. Mais pourquoi le gouvernement ne le fait t-il pas ? Clairement parce que ce sont ces mêmes "vieux" qui ont participé au succès de Nicolas Sarkozy en 2007. En conséquence, le gouvernement trouve de fausses bonnes excuses pour exclure ces mêmes vieux de tout effort. Bruno Palier, chercheur au CNRS, appelle ça l'égoïsme des baby-bommers. Et on ne saurait lui donner tort. Enfin, outre la langue de bois de X.Bertrand, il y a aussi - et il convient de le souligner -, les mensonges de la publicité du gouvernement concernant les retraites. D'une part, elles ont couté 8 millions au contribuable, et d'autre part elle ne dit pas la vérité. Que nous dit-elle ? En 2018, le système sera en équilibre. Toutefois, ce que la pub ne dit pas, c'est qu'il sera en équilibre si et seulement si le pays est en situation de plein emploi. Autrement dit, en dessous de 5%... Cette prévision est assez cynique, surtout quand on sait que le mal français, c'est le chômage de masse contre lequel François Mitterand déclarait "avoir tout essayé pour le combattre".

Dès lors, comment faire pour pérenniser le système ? Les démagogues socialistes - si l'on m'autorise ce pléonasme - disent qu'il faut taxer le capital. Toutefois, ce serait faire une grave entorse à la sacro-sainte libre circulation des capitaux: pierre angulaire de la "construction européenne". Ainsi, quelle serait la réaction de la Commission de Bruxelles lorsqu'elle apprendrait que le gouvernement français souhaite taxer le capital ? On se souvient du triste épisode de Renault ou, malgré la volonté de Sarkozy, Bruxelles a immédiatement crié au scandale protectionniste. De plus, de quel capital s'agit t-il ? Des plus-values boursières ? Des transactions bancaires ? De l'épargne ? Bref, taxer le capital, mais quel capital ? Taxer les riches, oui mais à partir de combien sommes-nous riches ? A bien des égards, il manque ici une définition claire des termes employés. En tout état de cause, taxer les plus-values boursière, c'est se tirer une balle dans le pieds. La place de Paris étant déjà bien moins "compétitive" que celle de Londres, taxer ses transactions ferait fuir les investisseurs, ces derniers allant au plus rentable.

Il nous reste une donc une solution: la croissance. Souvent créatrice d'emplois, de consommation et donc, de revenus pour les caisses des divers organismes de l'État, elle est la clé de voûte du retour à l'équilibre tout aussi bien sur le financement de nos retraites. Néanmoins, voilà qu'une vague de rigueur s'abat sur l'Europe. Ainsi, il ne faudra compter sur les ménages pour consommer, ceci vont se tourner vers une épargne de précaution, peut propice à un retour à la croissance, à l'emploi, et donc à une augmentation des cotisations des retraites... Nous pourrions toutefois utiliser le levier monétaire. Mais non: nous n'avons plus la maîtrise de notre monnaie, et, étant (encore) sur-évaluée, elle ne permet pas de dégager de forts excédents commerciaux qui pourraient créer la aussi de l'emploi sur le territoire national.
Outre les problèmes économiques et démographiques, la réforme des retraites pose à mon sens un problème  philosophique. Pendant des années, les Hommes ont été contraints à des journées de travail inhumaines. Inutile de réécrire Germinal de Zola, mais dans ce cas, l'Homme a réussi à accroître sa productivité. Dit autrement,  nous produisons plus, et plus vite. A fortiori en France où notre productivité est l'une des plus élevée au monde. Sans forcément dire que je sois d'accord avec cet argument, force est de constater que c'est une problématique importante, et qu'il convient de ne pas l'écarter d'un revers de main: sommes-nous condamnés à travailler plus longtemps, alors que nous produisons mieux, et plus vite ?




Les syndicats peuvent protester, mais rien ne changera: le cadeau qu'avait fait Mauroy aux travailleurs ayant connu la guerre relevait bien d'une mesure de "justice sociale" pour cette génération uniquement. Le programme du parti socialiste est à cet égard insensé: taxer le capital alors que c'est un certains Jacques Delors qui lui a donné toute sa liberté au sein de l'UE paraît un brin démagogique. En tout état de cause, le gouvernement surf lui sur une vague de lieux communs et de mensonges pour mieux faire passer la réforme. Au total, nous assistons à une réforme bien incomplète et qui une nouvelle fois, révèle l'incapacité concrète d'une gauche de proposer sans parler de "taxe(s)", et d'un gouvernement aux ordres des marchés.

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