vendredi 11 février 2011

L'Ecole est-elle de gauche ?

Ce débat mérite d'être posé. Traiter la problématique de l'École dans son ensemble prendrait des heures, tant les problèmes qui la touche sont nombreux. C'est pourquoi je ne toucherai ici qu'un domaine, qui fait l'objet de nombreux débats et qui agite de nombreuses passions. D'un côté, nous avons les libéraux, qui estiment que l'École en général, et la fonction publique en particulier, est infestée de gens de l'ultra-gauche. Dès lors, il est clair, selon eux, que la pensée unique gauchiste apparente au sein de l'Éducation nationale tend à baisser le niveau des élèves, au nom de l'égalité. De l'autre côté, les gens de gauche qui estiment, selon la théorie bourdieusienne que l'école est aujourd'hui un lieu qui favorise d'inégalité, puisqu'elle permet aux bourgeois de se reproduire socialement.

A première vue, l'École est aujourd'hui, clairement de gauche. Il suffit de se balader dans les couloirs des Universités pour apercevoir de nombreux journaux et tracts des forces syndicales telle Force ouvrière, et même des petits prospectus vantant les mérites de la HALDE. L'idéologie dominante des Universités est de gauche. Les fonctionnaires en général, et les professeurs en particulier constituent clairement la clientèle principale du Parti socialiste par exemple, qui a perdu l'électorat ouvrier/employé depuis bien longtemps. Si bien que lorsque le gouvernement tente de supprimer des postes de professeurs, le Parti socialiste crie au scandale, tout en sachant pertinemment que le nombre de professeurs à largement augmenté - les moyens avec - alors que le nombre d'élèves baissait. L'Éducation n'est pas qu'une simple affaire d'argent, il convient également de prendre en compte le facteur d'efficacité et de cadre : pourquoi les filières professionnelles sont si mal vues ? Le collège unique est t-il efficace ? Bref, il faut d'abord redéfinir le cadre dans lequel les jeunes élèves étudient, et non pas déverser des milliards dans un système qui, me paraît être à bout de souffle.

Toutefois, si l'idéologie - dominante - des professeurs est clairement de gauche, ce n'est pour autant que les les programmes le sont pour autant. C'est la critique fondamentale que l'on peut adresser aux libéraux qui pensent que la France enseigne l'économie de manière très "gauchiste". Dernièrement, Olivier Vial, président de l'UNI protestait contre cela, en disant qu'on donnait, entre autre, une mauvaise vision de l'entreprise dans le programme. Or c'est pourtant l'inverse que l'on peut constater. Car les programmes ne sont pas du tout élaborés sous le prisme gauchiste. Ainsi, en classe de 1ère ES, le tiers du programme est consacré à l'étude du marché, à l'enseignement de la théorie de la concurrence pure et parfaite. En terminale ES, une large partie de l'année est consacrée à la mondialisation et au commerce international, à la notion de PIB, ainsi qu'au volet économique de la construction européenne. De surcroît, l'entrée en faculté d'économie s'accompagne directement d'un enseignement de la micro-économie libérale : théorie du consommateur et du producteur, notion d'homo œconomicus et de l'homme rationnel. En d'autres termes, ce sont les fondements de l'économie libérale qui sont, d'emblée, enseignés dans le supérieur. En outre, la théorie keynésienne commençait à être de moins en moins évoquée avant la crise. D'autres - moins chanceux, comme Marx notamment, sont  bannis de l'enseignement supérieur (!). Bref, sans même être exhaustif, l'on comprend bien que l'enseignement au lycée, comme à l'Université n'est nullement  présentée sous le prisme gauchiste. Par ailleurs, il est absurde de dire que le système scolaire formate les enfants de sorte qu'ils deviennent des "amoureux" de l'État. Les enfants n'écoutent pas systématiquement ce que les professeurs disent, ceux-ci votent bien souvent en fonction du vote familial. La catégorie socio-professionnelle des parents influe bien plus sur la pensée politique - quand il y en a une, bien entendu - de l'enfant que la pensée de soi-disant idéologues gauchistes. Ce faisant, les thèses de M. Vial témoignent d'une profonde mauvaise foi et largement teintées d'idéologie.  Or, il existe pourtant un réel reproche que l'on peut faire aux pédago bourdieusiens, sans pour autant sombrer dans le dogmatisme.




L'Ecole de la IIIème République.

En effet, il convient maintenant d'aborder la question de la baisse  du niveau. Celui-ci résulte de deux facteurs ; d'une part une obtention massive du baccalauréat (87%!), et d'autre part, l'absence de concours à l'entrée des Universités. Ces deux facteurs conjugués à la pression de syndicats comme l'UNEF tendent à baisser irréversiblement le niveau. D'abord parce que le baccalauréat n'a plus vraiment de valeur intrinsèque, mais aussi parce que tout le monde peut intégrer l'Université ; pour des résultats que l'on sait médiocres pour la plupart. Ceci occasionne surcharge du nombre d'élèves dans les groupes de TD, handicapant par la même les élèves "moyens", et gâchis d'argent pour l'État. Revenons sur un exemple flagrant qui convient d'être énoncé : dès lors qu'une Université tente, un tant soit peu, d'élever le niveau, en supprimant les rattrapages lors de la 1ère année par exemple, les UNEFiens crient au scandale. Comme si rétablir un minimum de méritocratie se faisait au détriment de l'égalité des chances. Mais malheureusement, la vraie inégalité des chances réside en ce que chacun souhaite faire de son temps. Il y a, en effet, la possibilité pour tous de réussir dans une Université publique et (quasi) gratuite dès lors que l'on souhaite apprendre et comprendre. Il y a ceux qui travaillent et qui consacrent du temps à leurs études, et d'autres qui ne veulent pas travailler. A cet égard, on doit comprendre que l'Université n'est pas un lieu ou tout doit être fait pour que l'on décerne des diplômes à tout le monde, cela doit rester un lieu ou l'on mérite ses diplômes. On ne peut pas éternellement continuer de brader des diplômes d'État pour rétablir une prétendue égalité des chances, car fondamentalement, on ne fait que faire fuir les plus intelligents vers les grandes écoles écoles, ou même des écoles de commerce. Ceci explique  - partiellement, il est vrai -  pourquoi la France possède bien moins de titulaires du Doctorat que l'Allemagne. Il serait peut-être temps de se rendre compte que c'est parce que l'Université n'attire plus.

Pendant que la gauche pédago et la droite libérale se déchirent, une grande gagnante semble se frayer un chemin dans l'enseignement. Ainsi assistons-nous, depuis plusieurs années, à l'arrivée de l'Union européenne dans les programmes scolaires et extra-scolaire. Option dite "européenne" au collège et poursuivie au lycée (classes dans lesquelles on distribue, entre autre, des posters retraçant la grandiose épopée européenne), enseignement massif de l'Europe sous toutes ses formes dans les Universités ainsi que dans les IEP. Le principe est parfaitement simple : faire voyager pendant une ou deux semaines ceux qui ont choisi ladite option dans le cadre du cours. De fait, n'importe quel jeune étudiant associera les joies de voyager au mythe de la grande et belle Europe. On ne dira cependant jamais qu'auparavant, il suffisait simplement de se munir d'un passeport et d'un visa pour y aller. Mais, ça ne s'arrête pas là ! Une Université comme celle de Rennes est directement subventionnée par la Commission de Bruxelles pour que celle-ci enseigne l'Europe. Comme cela se traduit t-il ? Par de l'Europe sous toutes ses formes : sociologie, droit, économie. Un bourrage de crâne méthodique, qui prend parfois la forme de propagande (posters distribués etc.) qui a désormais toute sa place dans l'enseignement scolaire sans que personne ne dise quoique ce soit. Repentance, enseignement massif de l'Europe peuvent être mis au crédit de la gauche pédago, qui associe à tort nation à guerre, et Europe à paix.

Ainsi donc, nous l'avons vu, si le fond idéologique de l'École est clairement de gauche, il n'en découle pas forcément des programmes de gauche. Le réel problème se situe dans la baisse du niveau, et pose la question fondamentale : voulons nous une École d'excellence pour demain, ou une École au rabais, qui décerne des diplômes à tout va ?

4 commentaires:

  1. Excellent. Surtout le paragraphe sur l'UE. ;)

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  2. Je ne suis pas d'accord sur plusieurs points :

    1) Ta lubie de la méritocratie et de l'entrée "à condition" à l'université. La beauté de l'université Française c'est que QUICONQUE veut apprendre paye sa cotisation (ça tourne autour de 300 400€ par an il semble) et vient en cours pour apprendre.

    Le fait de ne pas travailler et de ne pas réviser te fait simplement rater tes partiels/contrôle continu. Tu es donc sanctionné par un redoublement ou autre. Je ne comprend pas en quoi empêcher les gens de s'inscrire accroitrait le nombre de gens de qualité.

    2) Je trouve très bien que les gens soient formés sur l'UE et que certains (pas tous j'en conviens) comprennent la saleté que c'est ..

    Cordialement,

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  3. Liior, déjà tu m'as fait peur en disant plusieurs points, j'ai crû que tu allais me dérouler un pavé et en fait ce n'est que 2 points de désaccords.

    Déjà je ne me suis pas prononcé POUR l'instauration d'un concours. Je dis simplement que la conjugaison des deux facteurs : bac donné et libre entrée à l'université engendre une baisse de niveau. La fac aujourd'hui en première année c'est vraiment la cata. Je vais te donner une statistique : 20% d'admis au premier semestre de la 1ère année dans ma filière. Tu crois que c'est raisonnable ? Ce n'est pas parce que c'est gratuit et public que cela doit être pour autant laxiste. Je n'aime pas le laxisme ambiant qui règne à la fac. Pour les droits d'inscri, c'est 150€ environ, la deuxième année tourne autour de 350€.

    Deuxième point, j'en ai discuté avec un compagnon sur Facebook à propos de l'UE. Tu as raison, c'est aujourdh'ui une (trop ?) grande part de notre droit et de notre économie. Mais c'est pas pour autant qu'on doit sombrer dans le délire propagandiste ! Cf : mes cours d'économie européenne : si tu voyais mes cours tu te dirais qu'effectivement, y a un réel embrigadement. "L'euro protège", "l'Europe c'est la paix et la démocratie" (...). évidemment, on ne te dira pas que que l'euro est responsable de délocalisation et de chômage de masse.

    Cordialement,

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